Les jets privés émettent jusqu’à 14 fois plus de CO₂ par passager que les vols commerciaux. Analyse chiffrée de leur impact environnemental.
L’empreinte carbone des jets privés : une contribution disproportionnée
Les jets privés représentent environ 0,04 % du trafic aérien mondial, mais leur impact carbone est bien plus élevé que leur poids statistique ne le suggère. D’après l’organisation européenne Transport & Environment, un jet privé émet en moyenne deux tonnes de CO₂ par heure de vol. À titre de comparaison, un passager sur un vol commercial long-courrier émet environ 0,2 tonne de CO₂ pour 1 000 km parcourus. Un jet privé peut donc émettre jusqu’à 14 fois plus de CO₂ par passager-kilomètre.
Cette intensité d’émissions s’explique par plusieurs facteurs techniques et opérationnels :
- Taux de remplissage faible : Un jet privé transporte généralement entre 2 et 6 personnes, pour des appareils conçus pour une capacité souvent inférieure à 20 passagers. Ce faible taux d’occupation augmente mécaniquement l’impact environnemental par passager, contrairement à un avion commercial standard qui transporte 150 à 300 personnes.
- Trajets courts fréquents : Selon une étude de l’ONG Greenpeace publiée en 2023, 49 % des vols en jet privé en Europe couvrent des distances inférieures à 500 km, souvent réalisables en train ou en voiture. Or, les phases de décollage et d’atterrissage représentent une part importante des émissions sur les courtes distances, ce qui aggrave le bilan carbone de ces trajets.
- Usage non régulé et répété : Les jets privés sont majoritairement utilisés pour des raisons professionnelles ou personnelles non urgentes. Leur fréquence d’usage n’est pas encadrée, et les vols à vide (sans passager, pour rejoindre un aéroport ou revenir après une mission) représentent jusqu’à 40 % des vols privés.
En 2023, selon l’analyse de l’Institut ICCT, les jets privés en Europe ont généré environ 15,6 millions de tonnes de CO₂, soit une hausse de 46 % par rapport à 2019. Cela équivaut aux émissions annuelles de plus de 850 000 voitures diesel. Bien qu’ils ne représentent que 1,8 % des émissions de l’aviation commerciale mondiale, leur empreinte par utilisateur reste très largement disproportionnée et pose un problème structurel en matière de justice climatique.

Comparaison avec l’aviation commerciale
L’aviation commerciale représente une part importante des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Selon l’International Council on Clean Transportation (ICCT), les vols commerciaux ont généré environ 918 millions de tonnes de CO₂ en 2019, soit 2,5 % des émissions mondiales de CO₂ liées aux énergies fossiles. Environ 80 % de ces émissions proviennent de vols long-courriers, effectués sur des distances supérieures à 1 500 kilomètres.
Vols long-courriers
Les vols long-courriers représentent la majorité des émissions absolues du transport aérien. Un vol entre Paris et New York, par exemple, émet environ 1,5 tonne de CO₂ par passager en classe économique, sur une distance d’environ 5 800 kilomètres. La consommation de carburant est optimisée sur ces vols, notamment grâce à la croisière longue et stable à haute altitude, mais la distance amplifie mécaniquement les émissions globales. Néanmoins, grâce à un taux de remplissage élevé – souvent supérieur à 80 % – et une capacité de 200 à 350 passagers, le coût carbone par individu reste modéré.
Vols court-courriers
Les vols court-courriers, en dessous de 1 500 kilomètres, émettent proportionnellement plus de CO₂ par kilomètre. Cela s’explique par des phases de montée et de descente fréquentes, très énergivores, et des taux de remplissage parfois plus faibles. Par exemple, un vol Paris-Marseille de 660 km émet environ 130 kg de CO₂ par passager, contre 4 à 10 kg par un trajet équivalent en TGV.
Comparaison directe avec les jets privés
Même si les émissions globales de l’aviation commerciale sont plus élevées que celles des jets privés, l’impact individuel reste inférieur. En moyenne, un passager de vol commercial émet 90 à 120 grammes de CO₂ par kilomètre, contre 500 à 2 000 grammes pour un passager en jet privé, selon le modèle de l’avion et la distance parcourue. Cette différence s’explique par la mutualisation des émissions entre des centaines de passagers, l’optimisation des moteurs, et l’aérodynamique avancée des avions commerciaux modernes (comme l’Airbus A350 ou le Boeing 787).
L’aviation commerciale n’est pas neutre en carbone, mais elle offre un rendement environnemental bien meilleur par passager. Elle reste également soumise à des réglementations internationales (comme le système CORSIA de l’OACI), ce qui n’est pas encore le cas pour les vols privés à usage non commercial.
Inégalités dans les émissions : une question de justice climatique
L’usage des jets privés illustre une répartition inégale des responsabilités face à la crise climatique. Ces appareils sont majoritairement utilisés par une minorité extrêmement fortunée. Une étude publiée dans Global Environmental Change en 2020 indique que 1 % de la population mondiale génère 50 % des émissions de l’aviation commerciale. Ce chiffre inclut notamment les utilisateurs réguliers de jets privés, les clients en classe affaires, ainsi que les voyageurs très fréquents.
Les émissions liées aux jets privés posent un problème de justice climatique, car elles sont issues d’un usage non essentiel et non partagé, souvent motivé par le gain de temps ou le confort, au détriment de l’impact environnemental collectif. En France, selon les données de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), environ 10 % des vols enregistrés en 2019 étaient opérés par des jets privés. Parmi ceux-ci, près de 50 % couvraient des distances inférieures à 500 kilomètres, souvent entre Paris et les grandes villes régionales (Lyon, Bordeaux, Genève).
Ces trajets, qui pourraient dans la plupart des cas être réalisés en train en moins de 3 heures, sont responsables d’une émission de CO₂ 20 à 80 fois plus élevée que leur équivalent ferroviaire. Par exemple, un vol Paris-Nice en jet privé émet environ 1 tonne de CO₂ par passager, alors qu’un trajet TGV sur la même distance émet environ 1,5 kg de CO₂.
De plus, les utilisateurs de jets privés bénéficient de régimes fiscaux avantageux, notamment via l’absence de TVA sur le kérosène et l’exonération des taxes sur les vols privés dans certains pays européens. Cette situation crée un déséquilibre systémique, où une minorité peut externaliser les coûts environnementaux de ses déplacements, tout en profitant d’un cadre réglementaire favorable.
Ce déséquilibre est d’autant plus problématique que les populations les plus touchées par le changement climatique – notamment dans les pays du Sud – sont celles qui ont le moins contribué aux émissions globales. Dans ce contexte, l’usage intensif des jets privés pour des trajets courts accentue les fractures entre responsabilités individuelles et impacts collectifs.

Perspectives et régulations envisagées
Face à ces constats, plusieurs mesures sont proposées pour limiter l’impact des jets privés :
- Taxation : Instaurer des taxes sur les émissions de CO₂ ou sur les vols en jet privé pour refléter leur coût environnemental réel.
- Régulation des vols courts : Limiter ou interdire les vols en jet privé pour des distances inférieures à 500 km, où des alternatives moins polluantes existent.
- Promotion des carburants durables : Encourager l’utilisation de carburants alternatifs pour réduire les émissions.
Ces mesures visent à responsabiliser les utilisateurs de jets privés et à aligner leur usage avec les objectifs climatiques globaux.
Les jets privés, bien que minoritaires en nombre, ont une empreinte carbone par passager significative, exacerbée par une utilisation fréquente pour des trajets courts. Comparés à l’aviation commerciale, ils représentent une source d’émissions disproportionnée, posant des défis en termes de justice climatique. Des régulations ciblées et des incitations à adopter des pratiques plus durables sont essentielles pour réduire leur impact environnemental.
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