Le VTOL militaire hybride Joby‑L3Harris prend son envol

Joby‑L3Harris

Joby Aviation et L3Harris adaptent le S4 eVTOL en VTOL hybride militaire, vols test fin 2025, démonstrations 2026.

Joby Aviation s’est alliée à L3Harris Technologies pour transformer son eVTOL S4, initialement destiné aux taxis aériens, en un appareil VTOL hybride destiné aux forces armées. Ce partenariat stratégique, officialisé le 1er août 2025, vise à équiper la plateforme d’un moteur à turbine à gaz couplé à un système électrique. L’objectif est de réaliser les vols d’essai fin 2025 et de présenter une version opérationnelle lors de démonstrations militaires en 2026.

Cette collaboration repose sur des technologies déjà éprouvées. Joby a récemment effectué un vol hybride hydrogène-électrique de 902 kilomètres en juin 2024, démontrant la viabilité d’un système à autonomie étendue. L3Harris apporte son savoir-faire en matériel de mission : capteurs, liaisons de données, systèmes autonomes. Ensemble, ils visent à délivrer un VTOL adapté aux missions de logistique en zone de conflit, de lutte contre drones et de guerre électronique en environnements contestés.

Ce projet répond à une évolution des besoins militaires : les plateformes entièrement électriques limitent portée et charge utile. Le nouvel appareil doit combiner portée opérationnelle, jeu d’autonomie habité/non‑habité et coût maîtrisé, pour proposer une alternative plus agile et moins onéreuse que les hélicoptères traditionnels.

Le contexte du partenariat

Le marché de l’aviation militaire évolue vers des solutions plus flexibles. Les armées exigent désormais des aéronefs VTOL capables d’opérer dans des zones isolées, avec un poids utile moyen de 450 à 900 kg et une portée opérationnelle de plusieurs centaines de kilomètres. Le programme Agility Prime de l’US Air Force a permis à Joby d’initier une relation avec le Department of Defense dès 2016, puis via AFWERX en 2020 pour des certifications de standards militaires.

Un constat se dégage : les modèles purement électriques ne suffisent plus. Ils sont critiqués pour leur autonomie limitée, souvent inférieure à 300 kilomètres, et des temps de recharge incompatibles avec les exigences tactiques. Face à cela, une propulsion hybride turboélectrique offre une portée étendue – l’essai hydrogène-électrique de juin 2024 a atteint 902 kilomètres. Ce choix répond à un impératif d’endurance en mission.

L3Harris couvre les besoins de mission par l’intégration de systèmes ISR, guerre électronique, communications tactiques et autonomie collaborative, en s’appuyant sur son département Integrated Mission Systems. Ce partage d’expertise permet une évolution de la plateforme S4 en une solution opérationnelle militaire.

La plateforme S4 hybride

La base de ce programme est le Joby S4 eVTOL, conçu pour un pilote et quatre passagers en service civil. L’adaptation hybride introduit une turbine à gaz qui génère de l’énergie électrique, remplaçant une partie des batteries pour augmenter la portée et réduire la dépendance aux stations de recharge. Cette configuration permet un décollage vertical et une transition vers un vol à profil profilé, typique d’un avion à voilure basculante.

Les performances anticipées incluent une portée supérieure à 900 kilomètres, un volume utile de 450 à 900 kg en équipement embarqué, et la capacité d’opérer en mode entièrement autonome ou piloté. Cette modularité répond à des scénarios tactiques variés : transport de matériel, mission ISR ou lutte anti-drone. Elle offre aussi une surface d’emport réduite et une signature thermique modérée, avantageuse face à des menaces modernes.

Sur le plan industriel, Joby disposait dès 2024 d’un démonstrateur de 902 kilomètres, confirmant la faisabilité de ce concept en conditions réelles. Les prochains vols attendus à la fin 2025 permettront de tester l’intégrité des systèmes de mission, l’autonomie, la compatibilité avec les radars et la résilience en environnement simulé de conflit.

Les applications militaires envisagées

Ce VTOL hybride intéresse surtout trois types de missions : la logistique contestée, la guerre électronique et la lutte contre drones. L’un des usages prioritaires vise à acheminer du matériel ou des munitions dans des zones sans pistes d’atterrissage, à portée tactique, sans exposer d’hélicoptères classiques à des tirs adverses. Selon le chantier évoqué par Joby, une charge utile de 450 à 900 kg permet d’emporter caisses de munitions ou modules ISR autonomes.

La guerre électronique sera prise en compte par L3Harris via l’ajout de brouilleurs légers, systèmes de surveillance radar ou de communications sécurisées. Ce VTOL hybride pourrait alors appuyer les troupes en interférant avec les drones adverses ou en relayant des données tactiques. L’autonomie collaborative entre aéronefs, rendue possible par un système intégré, permet de déployer un escadron d’appareils interconnectés.

Enfin la chasse de drones hostiles pourrait être assurée par des capteurs optiques ou radio, combinés à des munitions légères ou dispositifs de neutralisation embarqués. Ces interventions seraient très localisées, rapides à déployer, et adaptées aux conflits hybrides actuels, comme ceux observés en Ukraine ou en mer de Chine.

Calendrier et perspectives

Les vols d’essai devraient débuter à la fin de 2025, principalement aux États‑Unis. Ces tests porteront sur la propulsion hybride, l’autonomie de mission, l’intégration ISR et la résistance en conditions tactiques simulées. En 2026, les démonstrations opérationnelles seront menées lors d’exercices gouvernementaux, mettant à l’épreuve l’appareil dans un scénario réel.

Ce développement s’inscrit dans une dynamique concurrente militaire : Archer Aviation avec Anduril, Beta Technologies et Vertical Aerospace développent aussi leurs propres VTOL hybrides ou autonomes, renforçant la pression sur Joby et L3Harris. Pour Joby, la réussite de ce programme pourrait ouvrir un marché défense plus rentable que le civil, voire équilibrer les coûts de certification civil S4.

Sur le long terme, la plateforme pourrait être dérivée pour des usages alliés, notamment en Europe et dans la zone Asie-Pacifique, où les besoins en réactivité et portée sont critiques. Si la chaîne d’approvisionnement et la certification en environnement militaire suivent, ce VTOL pourrait devenir une composante importante des forces articulées autour de l’innovation aéromobile.

Enjeux et défis techniques

Transformer une plateforme civile en appareil militaire impose plusieurs défis : certification à la norme MIL‑STD, robustesse accrue, intégration de charges utiles, menaces cyber, autonomie sécurisée. Un point crucial sera la gestion thermique de la turbine hybride, afin de réduire la signature infrarouge tout en maintenant performance.

La modularité des capteurs et équipements est un élément clé : L3Harris devra calibrer les interfaces avec les systèmes communs de forces armées, penser à l’upgrade sur le terrain, prévoir la maintenance rapide. Joby devra aussi adapter la cellule et les structures pour supporter des vibrations et accélérations plus sévères que sur un air-taxi.

La certification hybride reste à valider auprès des autorités militaires et civiles. Le succès dépendra de la qualité des essais fin 2025 et des retours en 2026. Une validation rapide ouvrirait l’accès à des contrats plus conséquents, notamment pour des ventes groupées à plusieurs armées.

Joby‑L3Harris

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