Le Falcon 8X ARCHANGE démarre ses vols d’essai pour le renseignement électronique SIGINT, futur remplaçant du C‑160G Gabriel dans l’armée de l’air française.
Le programme ARCHANGE représente un tournant pour la capacité de renseignement électromagnétique de la France. Basé sur le Falcon 8X de Dassault Aviation, cette version militaire débute ses vols d’essai depuis l’aéroport de Bordeaux‑Mérignac en juillet 2025. L’appareil est doté du système CUGE (Capacité Universelle de Guerre Électronique) développé par Thales, intégrant des antennes multipolarisation et des algorithmes d’intelligence artificielle. L’objectif est de constituer une flotte de trois exemplaires opérationnels d’ici 2030, afin de remplacer les deux Transall C‑160G Gabriel retirés du service en mai 2022.
Le programme ARCHANGE : contexte et objectifs
Cette partie détaille le cadre du programme ARCHANGE, ses origines, ses objectifs stratégiques et les raisons de son lancement. Recherche dans la loi de programmation militaire 2024‑2030 et documents DGA montre que l’acquisition de trois Falcon 8X modifiés a été notifiée fin décembre 2019 et confirmée dès novembre 2019 par la ministre des armées. Ce projet, financé dans la LPM 2019‑2025, vise à remplacer deux C‑160G Gabriel affectés à l’escadron électronique aéroporté 01.054 « Dunkerque », retrait anticipé en mai 2022. Le délai entre retrait et mise en service des Archange crée un déficit opérationnel en capacité de renseignement d’origine électromagnétique. Ce choix stratégique résulte en partie de décisions budgétaires : les C‑160G coûtaient plus de 80 millions d’euros par an pour une disponibilité autour de 20 %, justifiant leur retrait. ARCHANGE offre une modernisation capacitaire, alignée sur les besoins multi‑domaines et la connexion aux réseaux interarmées.
Le biréacteur Falcon 8X adapté : caractéristiques techniques
Le Falcon 8X, appareil triréacteur dérivé du 7X, sert de porteur à cette mission SIGINT. Avec une longueur de 24,46 m, une envergure de 26,29 m et une masse maximale au décollage d’environ 33 113 kg, il permet d’emporter jusqu’à 19 passagers. Il est motorisé par trois Pratt & Whitney Canada PW307‑D délivrant chacun 29,9 kN de poussée. Sa vitesse maximale atteint Mach 0,9 à une altitude opérationnelle de 15 500 m. L’autonomie peut atteindre environ 12 000 km, soit deux à trois fois celle du Transall C‑160G. La cabine rallongée, les trains renforcés et un système de vol numérique (EASY Flight Deck et FalconEye) permettent une adaptation rapide à la charge utile spécifique. Ce choix permet une grande endurance en zone et un rayon d’action stratégique et tactique élargi.
Le système CUGE : cœur du dispositif SIGINT
Thales développe le système CUGE, chargé du recueil de renseignements électromagnétiques (ROEM / ELINT & COMINT). Il intègre des antennes multipolarisation capables d’analyser simultanément les émissions radio et radar. À cela s’ajoutent des capteurs à très haute sensibilité, adaptés aux signaux modernes souvent faibles voire furtifs. L’intelligence artificielle automatisée permet le traitement en temps quasi réel, identification automatique de paramètres (largeur d’impulsion, fréquence, spectre), détection de jamming ou spoofing. Le système est logé dans un radôme ventral proéminent sous le fuselage avant. CUGE assure aussi la connectivité SATCOM et les liaisons de données tactiques, garantissant la diffusion rapide des données vers les réseaux SCAF, Scorpion ou les systèmes C4ISR de l’OTAN. Ce dispositif offre une dimension stratégique doublée d’opération de renseignement intégré.
Le calendrier : premières échéances et délais
Le tout premier vol d’un Falcons ARCHANGE a eu lieu le 25 juillet 2025 depuis Bordeaux‑Mérignac, en peinture d’usine, marquant le début des essais en vol. Selon la DGA, les livraisons sont planifiées en trois temps : premier appareil en 2025, second en 2026, troisième en 2028, conformément à la LPM 2024‑2030. Toutefois, des retards sont reconnus : l’entrée en service effective devrait intervenir entre 2027 et 2029, selon une audition parlementaire en juillet 2025. Ces délais prolongés pèsent sur les capacités SIGINT françaises, actuellement compensées par des solutions temporaires comme les avions ALSR « Vador », les pods ASTAC sur Mirage 2000D, les drones MQ‑9 Reaper et les satellites CERES. Ces dispositifs mitigent partiellement l’angle mort stratégique laissé par le retrait du C‑160G.
Enjeux capacitaires et perspective opérationnelle
Le Falcon ARCHANGE doit rétablir une capacité stratégique essentielle. Le C‑160G Gabriel offrait à la France et à l’OTAN un outil unique de recueil ROEM/ELINT à longue portée dès 1989. À son retrait, les plateformes de substitution n’atteignaient pas le même niveau qualitatif. Le radar SAR/MTI des systèmes ALSR est jugé plus limité en performance. CERES offre une couverture orbitale mais sans la flexibilité aéroportée. Le CUGE doté sur Falcon 8X doit ainsi redynamiser la posture française dans les missions profondes, la préparation à l’engagement et la guerre électronique. Basé à la BA 105 d’Évreux, l’escadron Dunkerque bénéficiera d’un outil homogène et puissant, intégré aux architectures tactiques françaises et alliées. La maintenance des compétences humaines ROEM en vol est affirmée indispensable pour conserver un cercle de combat cohérent.
Le début des vols d’essai de l’Archange représente une avancée majeure. Toutefois l’écart entre le retrait du Gabriel en mai 2022 et la mise en service effective de l’Archange en 2027‑2029 expose une vulnérabilité significative. Le recours à des solutions transitoires couvrait partiellement le besoin mais demeurait inférieur au standard du Gabriel. Le programme ARCHANGE, portée par Dassault et Thales, se présente comme la réponse capacitaire moderne à ce déficit. Mais la complexité du système CUGE et les défis d’intégration laissent planer un risque de retard supplémentaire. Seule une planification bétonnée et une exécution rigoureuse permettront à l’armée de l’air & de l’espace de retrouver sa capacité complète de renseignement électromagnétique, indispensable à la souveraineté stratégique française.
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