L’accord transatlantique instaure des tarifs zéro sur avions et pièces, stabilisant les chaînes d’approvisionnement aéronautiques.
Un accord politique signé le 27 juillet 2025 entre l’Union européenne et les États‑Unis restaure un régime tarifaire zéro pour zéro sur les avions civils, moteurs et pièces détachées. Il exclut ces produits du taux de base de 15 % imposé sur la majorité des exportations européennes vers les États‑Unis. Ce retour à une stabilité tarifaire protège les chaînes logistiques, réduit les coûts pour les compagnies aériennes (Airbus, Boeing, Delta…), et soutient l’excédent commercial américain de 104 milliards de dollars. Toutefois, l’accord n’est pas juridiquement contraignant et de nombreuses questions techniques restent ouvertes.
Contexte de l’accord et historique du tarif aéronautique
Depuis 1979, un régime de tarifs réciproques zéro régit les échanges de produits aéronautiques entre les États-Unis et plusieurs pays, sur la base de l’Agreement on Trade in Civil Aircraft. Ce régime a été remis en cause ces dernières années à cause du conflit commercial entre Airbus et Boeing, avec des sanctions de l’OMC menant à des surtaxes atteignant 15 %.
Début 2025, l’administration Trump envisageait d’imposer un tarif général de 30 % sur les importations européennes, dont les avions. Cette menace a entraîné une mobilisation massive des compagnies aériennes et des constructeurs, en particulier Airbus, Delta Air Lines et Ryanair, qui ont étudié des alternatives comme des livraisons via des pays tiers pour éviter des hausses de coûts.
L’accord du 27 juillet 2025, signé en Écosse entre Donald Trump et Ursula von der Leyen, rétablit officiellement un régime de tarif zéro pour les avions civils, moteurs et pièces détachées. En revanche, un tarif de 15 % reste appliqué sur 70 % des autres exportations européennes, notamment les produits pharmaceutiques, les semi-conducteurs ou les voitures.
Ce compromis n’éteint pas complètement les tensions transatlantiques. Il fait suite à des mois de pressions exercées par les industriels aéronautiques, avec le soutien actif d’organisations comme Airlines for America (A4A) ou la National Business Aviation Association (NBAA), qui ont souligné les conséquences directes sur les chaînes de production, l’emploi et les carnets de commande.
Impacts économiques : coûts, chaînes logistiques, excédents
L’application d’un tarif de 15 % sur les avions et pièces aurait représenté un coût majeur pour les compagnies et les fournisseurs. À titre d’exemple, un avion de ligne long-courrier d’une valeur de 200 millions d’euros aurait pu entraîner 30 millions d’euros de droits de douane supplémentaires. Cette situation aurait fortement dégradé la rentabilité des transporteurs et complexifié la planification de leur flotte.
Du côté américain, les exportations aéronautiques génèrent un excédent commercial annuel de 104 milliards de dollars et soutiennent près de 1,8 million d’emplois. Un retour à des tarifs élevés aurait fragilisé cet équilibre et mis en péril les investissements en R\&D, maintenance ou production locale, notamment pour Boeing et GE Aerospace.
En Europe, les compagnies aériennes auraient vu leurs livraisons ralentir ou leurs coûts exploser, avec un impact immédiat sur leur compétitivité. Airbus, principal constructeur européen, aurait aussi dû faire face à des difficultés logistiques et financières en cas de hausse des droits sur ses exportations vers les États-Unis.
L’accord permet donc de maintenir la fluidité des chaînes logistiques : les pièces de moteurs, trains d’atterrissage, équipements électroniques et systèmes hydrauliques peuvent continuer à circuler librement, sans blocage aux frontières ou allongement des délais. Cela est essentiel dans une industrie où un seul retard dans la livraison d’un composant peut interrompre toute une chaîne d’assemblage.
Enfin, cet apaisement tarifaire a été salué par les marchés financiers : les valeurs aéronautiques européennes ont progressé, avec une hausse de 1,9 % enregistrée dans le secteur aéronautique et défense sur les marchés européens dans les jours suivant l’annonce.
Limites de l’accord et controverses politiques
Malgré les effets positifs immédiats, l’accord présente plusieurs failles importantes. Le premier point de fragilité est son absence de valeur juridique contraignante. Il s’agit d’un engagement politique bilatéral, sans texte formel ni dispositif de suivi ou de sanction en cas de rupture d’application. Cela rend sa durabilité incertaine.
En Europe, les réactions politiques sont partagées. L’Allemagne et l’Italie ont soutenu l’accord, estimant qu’il évitait une escalade commerciale nuisible à leur industrie exportatrice. La France, en revanche, a critiqué ouvertement le contenu de l’accord. Le Premier ministre français a évoqué un jour sombre pour l’autonomie stratégique européenne, soulignant que Bruxelles avait cédé sous pression de Washington, sans contrepartie suffisante.
Autre point critique : 70 % des exportations européennes vers les États-Unis restent soumises à une taxe de 15 %, bien au-delà des niveaux antérieurs (entre 1 et 3 % en moyenne). Cela pèse directement sur les secteurs européens de haute technologie, de l’automobile, des médicaments et des biens intermédiaires.
L’accord ne donne pas non plus de garanties sur certains produits spécifiques, comme les équipements spatiaux ou les produits de défense duale, qui pourraient à tout moment faire l’objet de nouvelles taxes. De même, le secteur sidérurgique reste taxé à hauteur de 50 %, sans que l’accord n’annonce de conversion en quotas ou de mécanisme de compensation.
Plus globalement, plusieurs analystes y voient une démonstration de la domination américaine dans les négociations commerciales, imposant ses priorités contre des concessions partielles, sans offrir de garanties structurelles. L’Europe pourrait ainsi rester exposée à un retour rapide des tensions tarifaires, en fonction de la conjoncture politique américaine.
Conséquences opérationnelles et perspectives futures
L’impact immédiat de l’accord est un retour à une stabilité opérationnelle pour les acteurs du transport aérien et de l’industrie. Les compagnies aériennes peuvent à nouveau planifier leurs achats d’appareils et pièces détachées sans risque de surcoût imprévu, ce qui est crucial dans un contexte de reprise du trafic aérien mondial post-pandémie.
Pour les constructeurs et équipementiers, l’accord ouvre une période de prévisibilité industrielle. Airbus, Safran, Thales et leurs homologues américains comme Boeing ou Honeywell peuvent sécuriser leurs plans de production, réactiver des projets de collaboration transatlantique, et investir dans de nouvelles lignes d’assemblage ou dans des plateformes communes de maintenance.
Les loueurs d’avions, très actifs dans les échanges transatlantiques, voient également leur modèle stabilisé. Auparavant, ils servaient de levier pour contourner des droits de douane via des montages financiers complexes. Désormais, leur rôle se recentre sur l’optimisation de flotte, sans arbitrage douanier.
À moyen terme, l’absence de garantie légale pourrait remettre en cause cette stabilité. Si les objectifs européens en matière d’achat d’énergie américaine ou d’investissement industriel ne sont pas atteints, Washington pourrait relancer la pression tarifaire. Le retour d’un tarif sur les avions reste donc possible, en particulier si les tensions politiques reprennent autour de sujets comme les subventions ou la souveraineté technologique.
Enfin, cette exemption aéronautique pourrait servir de modèle sectoriel. Des négociations similaires pourraient s’ouvrir dans les mois à venir sur les semi-conducteurs, les matériaux critiques, ou les batteries. Mais la méthode employée – accords bilatéraux à dominante politique – montre ses limites : elle renforce les déséquilibres de négociation et ne repose sur aucun cadre multilatéral robuste.

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