La France triple les taxes sur les billets d’avion en 2025

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Triplement de la TSBA en 2025 : impact économique, recul du trafic, et débat sur la transition ferroviaire et la fiscalité verte.

En 2025, la France a décidé de tripler la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Cette mesure vise à collecter 850 millions d’euros pour financer les infrastructures ferroviaires. S’y ajoutent 150 millions d’euros prélevés sur l’aviation d’affaires. Ce choix fiscal est présenté par le gouvernement comme un levier écologique et social : les usagers de l’aérien, considérés comme plus aisés, participeraient à la transition du secteur des transports. En réalité, cette réforme divise.

Selon les acteurs du transport aérien, cette hausse pourrait provoquer une baisse de 2 % du trafic, menacer jusqu’à 11 500 emplois et entraîner un manque à gagner fiscal supérieur à 500 millions d’euros. Le secteur s’inquiète de ses capacités à investir dans des avions moins polluants, et craint un affaiblissement de l’attractivité des plateformes françaises, au profit des hubs étrangers. Le tourisme régional et les liaisons vers les territoires ultramarins seraient également touchés.

L’enjeu dépasse le seul cadre environnemental. Il engage la compétitivité industrielle, la justice fiscale, l’équilibre territorial et le financement des mobilités. Cet article propose une analyse rigoureuse et technique des faits, des chiffres et des effets systémiques de cette décision fiscale.

Le dispositif fiscal révisé et son rendement attendu

La taxe de solidarité sur les billets d’avion, créée en 2006 pour financer Unitaid, a progressivement été redirigée vers l’aviation civile via la DGAC, puis les infrastructures de transport. En 2025, cette taxe a été triplée par la loi de finances. Les nouveaux barèmes visent un rendement annuel d’un milliard d’euros, réparti entre 850 millions pour les vols commerciaux réguliers et 150 millions pour l’aviation d’affaires.

Les nouveaux montants varient selon la classe et la distance. En classe économique, la hausse atteint 9,50 euros par billet. Pour les classes affaires ou les vols long-courriers, elle est plus élevée. Des ajustements ont été votés au Sénat, notamment pour préserver certaines liaisons comme celles vers la Corse ou les outre-mer. Ces exonérations visent à maintenir la continuité territoriale.

En parallèle, les redevances de navigation aérienne, distinctes de cette taxe, augmentent aussi de 11 % en 2025, portant les recettes globales du secteur public aérien à 2,7 milliards d’euros. La France rejoint ainsi les pays les plus exigeants d’Europe en matière de fiscalité aérienne. Cela soulève la question de la capacité du secteur à absorber ces hausses dans un marché concurrentiel.

Les impacts projetés sur le trafic, l’emploi et les finances publiques

Les organisations professionnelles du secteur, notamment la FNAM et l’Union des aéroports français, estiment qu’une telle augmentation de la fiscalité entraînera une baisse de 2 % du trafic aérien en 2025. Ce recul affecterait principalement les vols domestiques et européens. Les compagnies low cost menacent déjà de réduire leur présence sur le territoire français.

Selon une étude commandée à Deloitte, l’impact sur l’emploi serait significatif : 11 500 postes directs et indirects pourraient disparaître. Le manque à gagner fiscal, lié à la baisse d’activité et aux effets induits sur la consommation, est estimé à plus de 500 millions d’euros. Ce chiffre annule en partie le rendement attendu de la mesure.

Air France, principal transporteur du pays, pourrait voir sa contribution à la taxe passer de 140 millions à plus de 400 millions d’euros par an. La compagnie n’aura pas la possibilité de répercuter la totalité de la hausse sur les prix des billets, au risque de perdre des parts de marché. Certaines routes, notamment entre petites villes ou avec les outre-mer, pourraient être abandonnées.

Cette pression fiscale pourrait donc affaiblir les entreprises du secteur, déjà fragilisées par la crise sanitaire et la concurrence accrue des hubs étrangers.

La dialectique entre fiscalité verte et compétitivité aérienne

Les partisans de la réforme soulignent que l’aérien reste sous-taxé par rapport à d’autres modes de transport. Le carburant aviation n’est pas soumis à la taxe intérieure de consommation, et la TVA ne s’applique pas aux vols internationaux. Pour certains, cette fiscalité avantageuse crée une distorsion au détriment du rail.

Des ONG comme Transport & Environment estiment à plus de 6 milliards d’euros les recettes manquées chaque année par l’État français en n’imposant pas les carburants d’aviation ou en exonérant la TVA sur les billets. Elles militent pour une tarification plus agressive, centrée sur les voyageurs fréquents ou les trajets longue distance.

Du côté des compagnies, le discours est tout autre. Elles alertent sur l’effet contre-productif de la mesure. En renchérissant le coût des billets d’avion, elle réduit les marges, donc les investissements dans la modernisation des flottes, l’achat de carburants durables ou le développement de l’électrique. Autrement dit, on freinerait la transition écologique du secteur en prétendant la financer.

Ce débat illustre une opposition de fond entre objectifs climatiques, équilibre budgétaire et politique industrielle. Le choix français paraît isolé dans le paysage européen, où d’autres pays privilégient des approches plus ciblées ou incitatives.

Enjeux pour le rail, les territoires et l’équilibre économique

L’objectif affiché par le gouvernement est de rediriger une partie de la demande vers le rail, moins émetteur de CO₂. Les recettes générées par la hausse de taxe seront versées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui pilote des projets de modernisation du réseau ferré.

Mais encore faut-il que l’offre ferroviaire soit à la hauteur. Si le TGV est une alternative crédible sur certaines lignes (Paris-Bordeaux, Lyon-Marseille), il reste absent ou peu compétitif sur d’autres axes, notamment transversaux ou ruraux. Les temps de trajet, les fréquences et les tarifs limitent l’effet de report modal.

Les territoires ultramarins sont un cas à part. Aucun report modal n’est envisageable vers ces destinations. La hausse du prix des billets affecte directement les populations et l’économie locale. Les exonérations partielles votées par le Sénat visent à réduire cet effet, mais elles ne suffisent pas à rassurer les professionnels du tourisme et du transport.

Au niveau macroéconomique, le risque est celui d’un transfert de passagers vers d’autres pays pour les départs, ce qui fragiliserait les plateformes françaises comme Roissy ou Lyon Saint-Exupéry. Cela pourrait aussi détourner les investissements étrangers vers des pays jugés plus stables sur le plan fiscal.

Réflexions franches pour les décideurs publics

La réforme française s’inscrit dans une logique de taxation verte, mais son efficacité réelle reste incertaine. En visant prioritairement les billets d’avion, elle pénalise un secteur à forte intensité capitalistique, soumis à des cycles longs d’investissement, et déjà fragilisé.

Le risque est de créer un effet d’éviction des compagnies aériennes nationales, tout en limitant leur capacité à se transformer. La transition vers des carburants alternatifs, comme le SAF, suppose des engagements financiers massifs. Sans accompagnement direct, cette mutation pourrait être freinée.

Des alternatives fiscales existent : taxation progressive selon la distance, modulation en fonction du volume de vol annuel, incitation au remplacement de flotte, ou encore contribution directe des grands groupes industriels bénéficiaires du fret aérien.

Les décideurs devront trancher entre maximisation fiscale immédiate et stratégie industrielle de long terme. L’enjeu est de taille : permettre à la France de rester un acteur crédible du transport aérien, tout en participant activement à la décarbonation du secteur.

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