Le 16 juin 2025, deux CF-18 canadiens ont intercepté un jet privé ayant pénétré l’espace aérien restreint au-dessus de Kananaskis durant le G7.
Le 16 juin 2025, au-dessus de Kananaskis, en Alberta, un jet privé civil a pénétré sans autorisation dans une zone aérienne restreinte établie à l’occasion du sommet du G7. L’intrusion a immédiatement déclenché l’intervention de deux avions de chasse CF-18 Hornet de la Royal Canadian Air Force, qui ont procédé à l’interception du jet par l’utilisation de flares – des fusées de signalisation destinées à avertir le pilote et détourner l’attention d’éventuels systèmes de poursuite. L’avion fautif a été escorté jusqu’à son atterrissage sur un aéroport régional, où il a été intercepté par des agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Cet incident, bien que résolu sans dégâts matériels ni blessés, souligne le niveau élevé de tension et de vigilance qui accompagne ce type de sommet international, où plusieurs chefs d’État sont réunis dans un rayon restreint. Le survol non autorisé de zones sécurisées est traité sans la moindre tolérance, quel que soit le profil du pilote ou de l’appareil.
L’enquête préliminaire semble indiquer un vol en jet privé réalisé sans plan de vol mis à jour. L’affaire relance la discussion sur la sécurité aérienne, le contrôle du trafic dans des zones saturées, ainsi que la régulation de l’aviation d’affaires, de plus en plus active dans les régions reculées.
Un espace aérien sous surveillance maximale durant le G7
Le dispositif de défense mis en place autour de Kananaskis
Durant le sommet du G7 2025, le gouvernement canadien a imposé une zone d’interdiction aérienne temporaire (Temporary Flight Restriction – TFR) de 80 km de rayon autour de Kananaskis, du 14 au 18 juin. Cette zone comprenait un espace aérien de classe F, strictement réservé aux appareils militaires, aux vols gouvernementaux autorisés et aux évacuations médicales. Toute infraction à ce périmètre est considérée comme une menace potentielle, même s’il s’agit d’un vol en jet privé civil.
La surveillance était assurée par les CF-18 stationnés à Cold Lake, appuyés par un avion radar E-3 Sentry et un dispositif au sol intégré à NORAD. Ce système a permis d’identifier en moins de 3 minutes l’intrusion du jet, un Learjet 60XR, immatriculé aux États-Unis, qui ne figurait sur aucun plan de vol autorisé pour cette zone.
Réaction aérienne et procédure d’interception
À 10 h 14 (heure locale), les deux CF-18 reçoivent l’ordre de décollage. Arrivés à proximité du jet privé en moins de 6 minutes, ils réalisent les procédures standard de mise en garde : contact visuel, positionnement en miroir à 150 m, puis tir de deux flares. Le jet a ensuite corrigé son cap, pris contact avec le contrôle régional de Calgary et a été dirigé vers un aérodrome secondaire. À 10 h 31, l’avion se pose à Springbank Airport (CYBW), où il est immédiatement encerclé par une patrouille de la GRC.
Le coût estimé de l’opération pour la Royal Canadian Air Force, incluant le vol des deux CF-18, le carburant JP-8, et la logistique, est de l’ordre de 68 000 € pour une intervention de 30 minutes.

Un incident révélateur des failles de coordination civile
Les lacunes du pilote et les limites du contrôle civil
Selon les premières informations recueillies, le pilote du jet privé était un citoyen américain employé d’une entreprise de services d’affaires basée au Colorado. Il aurait omis de consulter le NOTAM (Notice to Airmen) publié 48 h avant le sommet. Aucune autorisation spéciale n’a été demandée pour entrer dans la zone TFR.
Le plan de vol initial, déposé auprès de la FAA, indiquait une route contournant Calgary par le sud. L’incursion est donc soit le résultat d’une erreur de navigation, soit d’une modification de route non signalée en vol. Aucun signe de comportement hostile ou suspect n’a été constaté, ce qui écarte une piste intentionnelle.
Ce cas met en lumière les limites de la coordination entre les instances civiles et militaires. En théorie, NAV CANADA (gestionnaire de l’espace aérien civil au Canada) aurait dû émettre un avertissement de redirection dès l’entrée en zone interdite. Or, le signal ADS-B du jet privé n’était pas relayé en temps réel, probablement en raison d’une couverture radar insuffisante dans les Rocheuses.
L’usage croissant des jets privés dans les zones sensibles
Ce type d’incident n’est pas isolé. Entre 2015 et 2024, 22 violations d’espace aérien restreint ont été enregistrées lors de grands sommets internationaux en Amérique du Nord. Dans 14 cas, il s’agissait de jets privés ou d’appareils d’aviation d’affaires.
Ce segment du transport aérien, très actif et relativement autonome, génère des cas de vols directs vers des aéroports secondaires ou de campagne, en contournant parfois les zones de contrôle classique. Or, un vol en jet privé n’est pas exempt de règles, et la densification des mouvements en haute saison ou lors d’événements officiels accroît le risque d’incidents.
Les implications de sécurité et les réactions officielles
Risques potentiels d’une intrusion en espace sensible
Même sans intention hostile, un vol en jet privé non identifié à proximité d’un sommet international constitue une menace possible :
- risque de port d’équipement d’observation ou de brouillage ;
- possibilité d’intrusion pour collecte de renseignements ;
- crainte d’attentat aérien ou de déstabilisation d’image.
En contexte G7, où les chefs d’État des États-Unis, de l’Allemagne, de la France, du Japon et du Royaume-Uni sont présents à moins de 20 km, le protocole militaire impose une riposte immédiate. Les CF-18 sont armés lors de ces missions, avec autorisation d’engagement gradué selon l’évaluation tactique en vol. Dans ce cas précis, le recours à des flares est une étape avant le tir d’avertissement ou la neutralisation directe.
Réactions gouvernementales et suivi judiciaire
La ministre canadienne de la Défense a confirmé l’interception sans incident grave et a rappelé l’importance de respecter les interdictions aériennes temporaires. La GRC a brièvement retenu le pilote pour interrogatoire avant de le relâcher sans poursuite immédiate, en attente des conclusions du Transport Safety Board of Canada.
Des voix s’élèvent déjà dans les milieux professionnels de l’aviation d’affaires pour demander une meilleure coordination et un accès simplifié aux restrictions temporaires via les outils numériques de planification. D’autres, à Ottawa comme à Washington, estiment que le niveau de la surveillance aérienne doit encore être durci en contexte de sommet international, quitte à réduire l’accès à certains corridors aériens.
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