Airbus met en garde les pilotes contre l’utilisation du gouvernail en vol après un incident non signalé sur un A320 ayant atteint des charges latérales critiques.
Airbus a récemment publié une alerte de sécurité suite à un incident impliquant un A320 qui, lors d’une montée entre 9 000 m et 11 000 m, a subi une inclinaison latérale inattendue de 52°. Le pilote a tenté de corriger cette inclinaison en utilisant simultanément le mini-manche et les pédales de gouvernail, ce qui a entraîné des oscillations latérales importantes. L’avion a été soumis à une accélération latérale maximale de 0,41 g, proche des limites de conception. Cependant, l’équipage n’a pas signalé l’alerte « STOP RUDDER INPUT » déclenchée à quatre reprises, et l’incident n’a été détecté que près d’un an plus tard lors d’une analyse de routine des données de vol. Airbus rappelle que l’utilisation du gouvernail en vol doit être limitée aux phases spécifiques telles que le décollage, l’atterrissage et la compensation d’une panne moteur, afin d’éviter des charges structurelles excessives.

Utilisation du gouvernail en vol : limites et risques
Le gouvernail, ou dérive verticale, est un élément essentiel du contrôle directionnel d’un avion. Sur les Airbus de la famille A320, son utilisation est principalement destinée à :
- Compenser l’effet de lacet lors du décollage et de l’atterrissage.
- Corriger une asymétrie de poussée en cas de panne moteur.
- Maintenir la trajectoire en cas de vent de travers.
L’utilisation du gouvernail en croisière, notamment pour contrer des turbulences ou des vortex de sillage, est déconseillée. Des inputs brusques ou alternés sur les pédales peuvent induire des charges latérales importantes sur la structure de l’avion, en particulier sur la dérive verticale. Ces charges peuvent approcher, voire dépasser, les limites de conception, mettant en péril l’intégrité structurelle de l’appareil.
L’incident en question a révélé une accélération latérale de 0,41 g, considérée comme un événement de niveau rouge selon les directives de maintenance. Bien que les limites de conception n’aient pas été dépassées, l’absence de signalement immédiat a retardé l’inspection nécessaire de la structure de l’avion.
Systèmes de protection et avertissements
Les Airbus modernes sont équipés de systèmes de protection pour prévenir les surcharges structurelles. Le système de limitation de débattement du gouvernail (Rudder Travel Limiter) ajuste automatiquement l’amplitude maximale du gouvernail en fonction de la vitesse de l’avion, réduisant ainsi le risque de surcharges à haute vitesse.
De plus, une alerte sonore « STOP RUDDER INPUT » a été introduite après l’accident du vol American Airlines 587 en 2001, où une utilisation excessive du gouvernail a conduit à la rupture de la dérive verticale. Cette alerte se déclenche lorsque des inputs inappropriés sur les pédales de gouvernail sont détectés, avertissant ainsi l’équipage du risque potentiel.
Cependant, ces systèmes ne peuvent pas compenser une utilisation incorrecte ou excessive du gouvernail. Ils sont conçus pour assister, et non remplacer, la vigilance et la formation des pilotes.
Importance du signalement des événements à forte charge
Le signalement immédiat des événements impliquant des charges élevées est crucial pour la sécurité aérienne. Une inspection rapide peut identifier d’éventuels dommages structurels et prévenir des incidents futurs.
Dans l’incident analysé, l’absence de signalement de l’alerte « STOP RUDDER INPUT » a retardé l’analyse des données de vol, qui n’a révélé l’événement que près d’un an plus tard. Cette situation souligne l’importance d’une communication complète et précise entre l’équipage et le personnel de maintenance.
Airbus insiste sur le fait que toute rencontre avec des turbulences sévères ou des manœuvres excessives doit être documentée et rapportée, même si aucun dommage apparent n’est observé immédiatement.

Conséquences pour la formation des pilotes et la maintenance
Cet incident met en lumière la nécessité d’une formation continue des pilotes sur l’utilisation appropriée des commandes de vol, en particulier du gouvernail. Les simulateurs de vol doivent intégrer des scénarios réalistes de turbulences et de perturbations pour préparer les pilotes à réagir de manière appropriée sans recourir à des inputs excessifs.
Par ailleurs, les programmes de maintenance doivent inclure des analyses régulières des données de vol pour détecter les événements non signalés. L’installation de systèmes d’interface de données de vol (Flight Data Interface Units) peut faciliter la détection automatique des charges latérales élevées, permettant ainsi une réponse plus rapide et efficace.
Pour renforcer la sécurité des vols, les recommandations suivantes peuvent être envisagées :
- Renforcer la formation des pilotes sur l’utilisation du gouvernail et les conséquences des inputs inappropriés.
- Améliorer les systèmes de détection et d’alerte des charges latérales élevées.
- Encourager une culture de signalement ouvert et sans répercussions pour les équipages.
- Intégrer des analyses de données de vol dans les programmes de maintenance préventive.
En adoptant ces mesures, les compagnies aériennes et les fabricants peuvent collaborer pour minimiser les risques liés à l’utilisation du gouvernail en vol et garantir la sécurité des passagers et des équipages.