L’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (EASA) a lancé deux initiatives majeures visant à prévenir les collisions en vol dans l’aviation générale. Ces mesures visent à améliorer la visibilité et la sécurité opérationnelle des pilotes opérant dans l’espace aérien européen.
L’EASA introduit deux initiatives pour renforcer la sécurité dans l’aviation générale :
- Déclaration de Conspicuité : Une politique volontaire encourageant l’utilisation de dispositifs de visibilité électronique pour que les aéronefs soient mieux détectés par les autres usagers de l’air.
- Coalition ADS-L : Un standard technologique unifié permettant aux aéronefs légers et aux drones d’être électroniquement visibles, améliorant ainsi la conscience situationnelle des pilotes.
Ces mesures visent à réduire les collisions en vol, notamment dans l’aviation générale, qui enregistre en moyenne six collisions mortelles par an dans les États membres de l’EASA.
La Déclaration de Conspicuité : vers une visibilité accrue dans l’aviation générale
L’aviation générale, qui englobe les vols privés, les vols d’affaires non commerciaux et les activités de loisir, représente une part significative du trafic aérien en Europe. Cependant, cette catégorie d’aviation est également associée à un nombre préoccupant de collisions en vol. Selon l’EASA, les États membres enregistrent en moyenne six collisions mortelles par an dans l’aviation générale, entraînant environ treize décès annuels. citeturn0search0
Face à cette réalité, l’EASA a introduit la Déclaration de Conspicuité, une politique volontaire élaborée en collaboration avec onze autorités aéronautiques et autres entités. L’objectif principal de cette déclaration est de faciliter et d’encourager l’utilisation de dispositifs de conspicuité électronique, tels que l’ADS-B Out et l’ADS-L, par tous les acteurs de l’aviation générale. Ces dispositifs permettent aux aéronefs d’émettre automatiquement leur position, leur altitude et d’autres informations cruciales, améliorant ainsi leur détectabilité par les autres usagers de l’espace aérien.
Principaux objectifs de la Déclaration de Conspicuité :
- Promotion de l’équipement des aéronefs : Encourager les pilotes et les propriétaires d’aéronefs à adopter des dispositifs de conspicuité électronique abordables et compatibles.
- Collaboration entre les parties prenantes : Favoriser une culture de sécurité partagée en incitant les autorités, les organisations et les pilotes à travailler conjointement à l’amélioration de la sécurité opérationnelle.
- Protection des données collectées : Assurer que les informations recueillies via ces dispositifs sont protégées et utilisées exclusivement pour des activités de prévention et d’amélioration de la sécurité.
L’adoption de cette déclaration reflète un engagement collectif en faveur d’une culture de sécurité proactive, où chaque acteur de l’aviation générale joue un rôle actif dans la prévention des collisions en vol.

La Coalition ADS-L : un standard technologique pour une meilleure intégration des aéronefs légers et des drones
Parallèlement à la Déclaration de Conspicuité, l’EASA a instauré la Coalition ADS-L, visant à établir l’ADS-L comme le protocole standardisé pour les systèmes de surveillance des aéronefs légers et des drones. L’ADS-L, ou Automatic Dependent Surveillance-Light, est une version allégée de l’ADS-B, conçue spécifiquement pour répondre aux besoins des aéronefs de plus petite taille.
Objectifs de la Coalition ADS-L :
- Interopérabilité : Garantir que les systèmes ADS-L intégrés aux différents aéronefs et drones soient compatibles entre eux, facilitant ainsi une communication efficace et une meilleure conscience situationnelle.
- Accessibilité : Développer des solutions technologiques abordables, permettant aux pilotes de l’aviation générale et aux opérateurs de drones d’équiper leurs appareils sans engendrer de coûts prohibitifs.
- Sécurité renforcée : En rendant les aéronefs légers et les drones électroniquement visibles, réduire significativement le risque de collisions en vol, notamment dans les espaces aériens non contrôlés.
Les organisations rejoignant cette coalition s’engagent à intégrer l’ADS-L dans leurs produits actuels ou futurs et à promouvoir son adoption généralisée. Cette initiative est particulièrement pertinente dans le contexte de la croissance rapide du nombre de drones opérant dans l’espace aérien européen, nécessitant une intégration harmonieuse avec les autres usagers de l’air.
Conséquences et implications des nouvelles initiatives de l’EASA
L’introduction de la Déclaration de Conspicuité et de la Coalition ADS-L par l’EASA a des répercussions significatives sur plusieurs aspects de l’aviation générale en Europe.
Impact sur la sécurité aérienne :
L’adoption généralisée de dispositifs de conspicuité électronique devrait entraîner une diminution notable des collisions en vol. En rendant les aéronefs plus visibles les uns pour les autres, les pilotes disposeront d’une meilleure conscience situationnelle, essentielle pour éviter les conflits aériens. Cette amélioration est particulièrement cruciale dans les espaces aériens non contrôlés, où la séparation des aéronefs repose principalement sur la vigilance des pilotes.
Conséquences économiques pour les pilotes et les propriétaires d’aéronefs :
Si l’objectif est de développer des solutions abordables, l’installation de nouveaux dispositifs représente néanmoins un investissement. Cependant, cet investissement peut être compensé par les bénéfices en termes de sécurité et par la possibilité d’accéder à des espaces aériens auparavant restreints aux aéronefs équipés de systèmes de surveillance spécifiques.
Conséquences et implications des nouvelles initiatives de l’EASA (suite)
Croissance du marché des drones et besoin de standardisation :
Le marché européen des drones civils connaît une croissance annuelle estimée à 14 %, selon les prévisions de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) et de la Commission européenne. On estime que plus de 7 millions de drones seront en activité dans l’Union européenne d’ici 2035, dont 400 000 pour un usage professionnel. Cette croissance rapide rend cruciale l’instauration de protocoles de communication uniformisés, comme l’ADS-L, pour éviter que les drones n’interfèrent avec les trajectoires d’autres aéronefs.
L’interopérabilité est donc une nécessité technique. Sans un protocole unique, chaque fabricant pourrait proposer un système propriétaire, entraînant des incompatibilités techniques, une baisse de la fiabilité opérationnelle et un risque accru de conflits en vol. La coalition ADS-L, soutenue par EASA, cherche à éviter ces scénarios en imposant un cadre cohérent à toute la filière, y compris les développeurs de logiciels, les intégrateurs d’avionique légère et les opérateurs de drones civils.
Standardisation européenne et souveraineté technologique :
Un autre aspect crucial est la standardisation au niveau européen. À travers l’ADS-L, l’EASA soutient l’idée d’un écosystème technologique souverain, réduisant la dépendance vis-à-vis de protocoles américains comme l’ADS-B, largement promus par la FAA. Cette orientation stratégique est conforme aux objectifs de l’autonomie technologique européenne promue dans le cadre du programme Horizon Europe et du Single European Sky ATM Research (SESAR). Ces programmes visent à réduire les conflits d’interopérabilité entre systèmes européens et non-européens, tout en favorisant des fournisseurs locaux de technologie embarquée.
Enfin, la standardisation permet de réduire les coûts de production pour les fabricants. En imposant un cahier des charges clair, les entreprises peuvent développer des équipements mutualisables pour divers types de plateformes (ULM, planeurs, hélicoptères légers, drones civils), ce qui génère des économies d’échelle et donc des prix plus accessibles pour les usagers finaux.
Limitations actuelles de la stratégie “See and Avoid” dans l’espace non contrôlé
L’espace aérien non contrôlé représente un segment important du ciel européen, en particulier dans les zones rurales, côtières et de montagne. Dans ces espaces (généralement classe G en terminologie OACI), les pilotes ne bénéficient pas du support des contrôleurs aériens et doivent assurer eux-mêmes leur séparation visuelle : c’est la méthode dite “See and Avoid”.
Problèmes inhérents à cette méthode :
- Limitations physiologiques humaines : le temps de réaction d’un pilote varie de 1,3 à 2,5 secondes selon les conditions de stress et de fatigue. À une vitesse de croisière typique de 220 km/h pour un avion léger, cela équivaut à une distance parcourue de 80 à 150 mètres avant toute tentative d’évitement.
- Angle mort et visibilité réduite : dans certains aéronefs, la visibilité frontale et latérale est réduite par la structure de l’appareil (ailes hautes, montants, pare-brise non panoramique). Cela réduit la probabilité de détection visuelle d’un trafic convergent, surtout à contre-jour ou en vol à basse altitude.
- Taux de collision résiduel : selon un rapport de l’UK Civil Aviation Authority (CAA), même avec une vigilance élevée, la méthode See and Avoid échoue dans 41 % des situations de conflit aérien rapproché, en raison de limitations de détection ou d’interprétation tardive de la trajectoire adverse.
Rôle complémentaire de la conspicuité électronique :
Face à ces limites structurelles, la mise en œuvre de la conspicuité électronique permet de compléter les capacités humaines par une détection automatisée des autres aéronefs, même en l’absence de radar ou de contrôle aérien. Ces dispositifs, lorsqu’ils sont bien calibrés, permettent une alerte précoce, avec un horizon d’anticipation souvent supérieur à 10 à 15 secondes, soit plus de 600 à 800 mètres de séparation initiale.
Cette couche de sécurité supplémentaire est d’autant plus précieuse que les zones non contrôlées voient une concentration croissante d’aéronefs non certifiés, drones de loisir, paramoteurs ou ULM. L’absence de communication radio entre ces opérateurs multiplie les facteurs de risque, d’où l’intérêt d’un langage commun électronique, indépendant des performances visuelles humaines.

Perspectives techniques, industrielles et réglementaires du plan GA Flightpath 2030+
GA Flightpath 2030+ constitue la feuille de route stratégique de l’EASA pour le développement de l’aviation générale dans les dix prochaines années. Son axe “sécurité” est fondé sur la prévention des collisions en vol, l’analyse des données de trafic et l’adoption de technologies légères et abordables.
Objectifs techniques à court terme :
- Miniaturisation des équipements de surveillance : des transpondeurs ADS-L ou ADS-B de moins de 150 g et consommant moins de 5 W sont désormais disponibles pour l’intégration dans les avions légers ou drones.
- Compatibilité avec les systèmes embarqués existants : les nouveaux protocoles devront être rétro-compatibles avec les installations avioniques existantes, notamment les écrans EFIS ou les GPS portables (type Garmin Aera ou Dynon SkyView).
- Transparence des données : l’EASA prévoit un partage anonymisé des données de trafic issues des dispositifs de conspicuité, pour alimenter les futures bases de données de sécurité et les systèmes d’intelligence artificielle prédictive.
Enjeux économiques :
La mise sur le marché de ces dispositifs nécessite un effort de certification simplifiée. L’EASA travaille sur une catégorie de certification allégée, permettant l’installation rapide sur les aéronefs non certifiés (planeurs, ULM, hélicoptères légers). L’objectif est de réduire le coût unitaire des équipements à moins de 500 € par aéronef pour les versions de base, contre 1 500 € à 4 000 € actuellement pour les solutions ADS-B certifiées.
Cadre réglementaire :
Les dispositifs de conspicuité ne remplaceront pas les exigences de séparation visuelle dans l’espace non contrôlé, mais constitueront un complément reconnu par la réglementation européenne. La déclaration de conspicuité ne remet pas en cause le Règlement (UE) 376/2014, relatif au signalement des événements et à la gestion des incidents, mais elle peut améliorer l’efficacité des retours d’expérience en fournissant des données de trajectoire exploitables numériquement.