Processus, coûts, audits, contrats : tout comprendre pour acheter ou vendre un jet privé sur le marché secondaire sans perte de valeur.
Les réalités du marché secondaire du jet privé
Le marché secondaire du jet privé représente une part importante de l’aviation d’affaires. En 2023, près de 3 200 transactions ont été enregistrées dans le monde, selon AMSTAT. L’achat ou la vente d’un appareil sur ce segment n’a rien d’intuitif. Contrairement au marché du neuf, les négociations s’opèrent dans un cadre plus complexe, où les écarts de prix dépendent du type d’appareil, de son historique, de sa maintenance, et de la rapidité des transactions. Les délais d’attente sur le marché du neuf (jusqu’à 24 mois pour un Gulfstream G700) accentuent l’intérêt pour le marché secondaire du jet privé. Mais la transaction s’appuie sur des procédures rigoureuses : audits techniques, inspections, négociation contractuelle, transfert de propriété, fiscalité transfrontalière. L’objectif reste clair : préserver la valeur de l’appareil ou éviter de surpayer. Cet article analyse, de façon détaillée et sans fard, chaque étape du processus, avec des données précises et des points de vigilance incontournables.

Le processus de mise en vente d’un jet privé
Audit préalable, valorisation et préparation de l’appareil
Avant toute mise en vente, le propriétaire doit réaliser un audit technique complet (pre-buy inspection) pour estimer précisément l’état de l’appareil. Cet audit comprend :
- Vérification des cycles moteurs et heures de vol
- Historique des maintenances programmées
- Conformité des Airworthiness Directives (ADs)
- État des équipements avioniques
- Dossiers logbooks et journaux de bord
L’audit coûte entre 20 000 € et 80 000 €, selon la complexité du jet (Cessna Citation XLS+, Dassault Falcon 900, Bombardier Global 6000). Une inspection chez un MRO agréé (Maintenance, Repair and Overhaul) est impérative pour sécuriser la vente.
L’étape suivante est la valorisation. Plusieurs critères influencent le prix : année de fabrication, nombre de propriétaires, régularité des maintenances, temps moteur restant, intérieur cabine, upgrades avioniques, couverture programmes moteurs (type JSSI ou MSP).
Exemple : un Dassault Falcon 2000LXS de 2016 avec 3 500 heures de vol et sous MSP peut se vendre 17 millions €, contre 13 millions € sans programme moteur. Ces écarts ne sont pas théoriques, ils conditionnent le profil d’acheteurs.
Enfin, le vendeur mandate souvent un broker spécialisé pour assurer la mise en relation, la présentation de l’appareil (brochures techniques, photos HD, vidéos 3D), la gestion des appels d’offres et des visites.
Le processus d’achat d’un jet privé sur le marché secondaire
Identification de l’appareil, due diligence et négociation contractuelle
L’acheteur d’un jet privé sur le marché secondaire ne se limite pas à une sélection esthétique. Il cherche un appareil optimisé, disponible rapidement, avec une maintenance structurée et sans antécédent technique majeur. Les appareils les plus recherchés sont souvent entre 5 et 12 ans, avec moins de 4 000 heures de vol, car ils combinent fiabilité et décote attractive.
Les principales plateformes de recherche sont JetNet, AvBuyer, Controller.com, mais les négociations sérieuses passent par des courtiers disposant d’un carnet d’appareils off-market, souvent plus compétitifs.
Une due diligence complète est engagée, comprenant :
- Vérification du titre de propriété
- Absence de privilèges ou garanties bancaires
- Conformité douanière et fiscale (notamment pour les jets enregistrés en Cayman ou à l’île de Man)
- Examen complet des logbooks
Une LOI (Letter of Intent) précise les conditions initiales : prix, lieu de closing, inspection, calendrier de closing. Elle est suivie d’un Aircraft Purchase Agreement (APA), encadré juridiquement.
Les négociations peuvent inclure :
- Une réduction de prix après inspection
- La prise en charge de certains frais de mise en conformité
- Des conditions suspensives fiscales (TVA, importation, etc.)
Le prix moyen d’un jet léger de seconde main (type Embraer Phenom 300 de 2017) tourne autour de 7 millions €, contre 23 à 25 millions € pour un Bombardier Challenger 650 de 2020.

La finalisation de la transaction et les implications juridiques
Inspection finale, livraison, enregistrement et fiscalité
Avant la signature définitive, une inspection physique post-accord est menée. Le moindre écart (corrosion, fuite hydraulique, panne avionique) peut relancer la négociation ou entraîner une clause de résolution.
Le closing s’effectue souvent dans des juridictions neutres (Malte, Guernesey, États-Unis), selon l’immatriculation de l’appareil et les contraintes fiscales.
Les étapes sont strictes :
- Signature de l’APA
- Paiement du prix via un escrow agent (fiduciaire tiers)
- Transfert du titre de propriété
- Radiations et réimmatriculation auprès des autorités compétentes (FAA, EASA, DGAC)
Certains jets nécessitent une importation temporaire ou définitive en Union européenne, soumise à la TVA (20 % en France). De nombreux acheteurs contournent cela en enregistrant leur appareil via un trust américain ou une société maltaise, en louant le jet via une structure tierce (leasing dry ou wet).
Il faut compter entre 50 000 € et 120 000 € de frais juridiques, d’agent fiduciaire, d’assistance à l’enregistrement, d’avocats fiscalistes.
Enfin, la mise en service post-achat peut nécessiter :
- Un retrofit cabine
- Un changement des équipements SATCOM ou ADS-B
- Des adaptations pour opérations ETOPS ou PBN